Essonne : elle aurait tué son nouveau-né par peur de la réaction de son compagnon

Une femme de 30 ans est accusée d’avoir tué son bébé, issu d’un adultère, après avoir accouché seule en 2017, à Viry-Châtillon. Son procès s’est ouvert ce mercredi à Evry-Courcouronnes.

 Illustration. L’accusée aurait tué son bébé après avoir accouché seule chez elle à Viry-Châtillon.
Illustration. L’accusée aurait tué son bébé après avoir accouché seule chez elle à Viry-Châtillon. LP/J.-B.Q.

    « Aide-moi. Sauve mon bébé. » Ce matin du 13 juin 2017, Mylène trouve Leisami, une cousine éloignée, assise sur le rebord de ses toilettes dans son pavillon de Viry-Châtillon. « Elle hurlait et elle pleurait, retrace cette jeune femme de 32 ans, devant la cour d'assises de l'Essonne, ce mercredi. Il y avait du sang partout. » « Je ne comprenais pas de quoi elle parlait, poursuit-elle. Puis elle s'est penchée. Et j'ai vu le bébé dans la cuvette des toilettes. »

    Dans le box des accusés, Leisami, 30 ans, longs cheveux noirs et visage encore juvénile, écoute, impassible. « Je ne suis pas à l'aise pour parler de mes problèmes, a-t-elle confié quelques heures plus tôt, à la cour, par la voix d'un interprète qui traduit ses propos du portugais vers le français. Je garde tout pour moi. » Jusqu'à vendredi, cette trentenaire, originaire du Cap-Vert et arrivée en France en novembre 2016, comparaît pour meurtre sur mineur de moins de 15 ans. Elle est accusée d'avoir tué son bébé, après avoir accouché seule, chez elle, à Viry-Châtillon.

    «Il était bleu et froid»

    Ce matin de juin 2017, Leisami ne se sent pas bien. Elle appelle Mylène qui vit à proximité pour lui demander si elle peut emmener sa fille de 5 ans à l'école. Une fois l'enfant partie, Leisami commence à faire du ménage dans la maison dans laquelle elle habite avec son mari, qu'elle a rejoint en France après 6 ans de relation à distance. Elle affirme dans un premier temps avoir été prise d'une forte envie d'uriner. Elle aurait alors poussé, la poche des eaux se serait rompue et le nouveau-né serait tombé dans la cuvette des toilettes. Paniquée, la jeune femme prévient sa cousine. Cette dernière découvre l'enfant « en boule dans la cuvette, avec le placenta encore sur lui. » « Il était bleu et froid », affirme-t-elle. Sur place, les pompiers tentent de le réanimer. Mais il est trop tard.

    Quelques mois plus tard, Leisami revient sur sa première version des faits. Un soir de décembre, elle avoue à son compagnon qu'elle aurait en réalité étouffé le nouveau-né. Dans la foulée, les policiers interviennent « pour un différend conjugal ». Leisami est dans l'une des chambres, « prostrée ». « Elle pleurait, rapporte l'un des officiers de police à la barre. Elle a fini par me dire qu'elle avait tué son enfant. » Placée en garde à vue, la jeune femme indique lors de son audition qu'elle a « appliqué son pouce et son index à la base des narines » du nourrisson pour l'empêcher de respirer. Elle l'aurait ensuite placé dans la cuvette des toilettes.

    Une relation extraconjugale

    « Vous a-t-elle expliqué son geste ? », demande le président du jury à l'une des policières de la brigade des mineurs. « Elle a indiqué qu'elle s'était sentie bloquée n'ayant nulle part où aller si son mari découvrait qu'il n'était pas le père de cet enfant », répond la fonctionnaire. Mise en examen et placée en détention depuis, Leisami précise aux enquêteurs qu'elle a eu une aventure avec un autre homme, quelques semaines avant son arrivée en France. Tombée enceinte, elle aurait pris une pilule abortive, qu'elle se serait procurée de manière illégale au Cap-Vert. Une fois installée à Viry-Châtillon, Leisami découvre qu'elle porte toujours un enfant.

    Mais, certaine que l'avortement a bien fonctionné, elle se serait auto-convaincue que ce bébé était le fruit d'une nouvelle grossesse et qu'il était, cette fois-ci, bien de son mari. « Elle arrive à se persuader de ça, estime l'une de ses deux avocates, Me Louise Dumont Saint Priest. Quand elle accouche en juin, elle est d'ailleurs en état de sidération. » Le personnel médical qui suit sa grossesse informe pourtant à plusieurs reprises la jeune femme et son mari que le terme est prévu à cette date. Le couple, qui a par ailleurs souhaité avorter mais qui a dû y renoncer puisque le délai légal était passé, aurait, lui, continué à attendre l'enfant pour le mois d'août, malgré les indications des médecins.

    «Son mari l'aurait mise dehors»

    C'est finalement en accouchant ce jour de juin que Leisami aurait réalisé que le bébé était bien le fruit de sa relation extraconjugale passée. Un constat qui sera confirmé par des tests ADN réalisés lors de l'enquête. Or, pour son mari, décrit comme volage, l'adultère serait inenvisageable pour une femme. Leisami craint une réaction violente de son compagnon, qui l'aurait déjà frappée. « Il l'aurait mise dehors s'il avait appris que l'enfant n'était pas de lui, certifie sa cousine éloignée. Ou il l'aurait fait repartir au Cap-Vert. »

    Au tribunal judiciaire d'Evry, le 12 février 2020. Les avocates Laure Heinich et Louise Dumont Saint Priest sont chargées de défendre la jeune femme de 30 ans, accusée d'avoir tué son bébé, après son accouchement. LP/Pauline Darvey
    Au tribunal judiciaire d'Evry, le 12 février 2020. Les avocates Laure Heinich et Louise Dumont Saint Priest sont chargées de défendre la jeune femme de 30 ans, accusée d'avoir tué son bébé, après son accouchement. LP/Pauline Darvey LP/J.-B.Q.

    « Il faut se défaire de toute rationalité pour tenter de comprendre ce geste », analyse, quant à elle, Me Louise Dumont Saint Priest. « On va tenter de donner des réponses, abonde son autre avocate, Me Laure Heinich. Mais nous sommes ici face à toute la complexité humaine. » Leisami, elle, l'assure, des sanglots dans la voix : « Jusqu'à ce jour, je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça. » La jeune femme et son ex-compagnon seront entendus sur les faits, ce jeudi, par la cour.