Après la découverte de plusieurs sangliers morts sur le littoral de la baie de Saint-Brieuc, une plainte a été déposée pour Monsieur André OLLIVRO et l’association Sauvegarde du Trégor Goëlo, auprès du Procureur de la République en charge du pôle régional environnemental du Tribunal judiciaire de Brest, en juin 2025. Ces nouveaux décès illustrent une fois de plus l’ampleur du fléau des algues vertes et l’inaction persistante des autorités.
Le phénomène des algues vertes dans la baie de Saint-Brieuc
La baie de Saint-Brieuc est classée réserve naturelle nationale depuis 1998, ce qui en fait l’une des plus vastes de Bretagne, avec une superficie d’environ 1 140 hectares. Elle est également intégrée au réseau Natura 2000, en raison de la richesse écologique de ses milieux naturels, avant les algues vertes. Ces classements impliquent des obligations de conservation des habitats et des espèces protégés ainsi que la mise en œuvre d’une gestion adaptée au site.
Néanmoins, la Bretagne fait face à un phénomène de prolifération d’algues vertes sur son territoire, dû à une forte augmentation du nombre d’exploitations agricoles intensives ces cinquante dernières années ainsi qu’à une utilisation massive de fertilisants chimiques ou naturels et d’installations d’élevages hors-sol. A terme, les déversements divers issus de ces pratiques entrainent une modification de l’équilibre des sols et des eaux, et une eutrophisation des milieux naturels se crée, qui se manifeste par la prolifération d’algues vertes notamment. Celle-ci n’a eu de cesse d’augmenter ces dernières décennies. En 2024, 3 370 tonnes d’algues vertes étaient ramassées dans la baie de Saint-Brieuc.
Les algues dégagent, du fait de leur putréfaction, des gaz toxiques, notamment du sulfure d’hydrogène qui présentent un danger réel pour la faune, la flore mais aussi la santé de l’être humain. Les mesures prises par les autorités s’avèrent aujourd’hui encore très insuffisantes. Pourtant, dès 1989, le décès d’un joggeur, retrouvé au milieu des algues vertes à Saint-Michel-en-Grève, avait attiré l’attention. D’autres faits concernant tant les hommes (coma ; décès suite à un arrêt cardiaque ; perte de connaissance avec convulsion) que les animaux (décès immédiat d’un cheval enlisé dans un trou de vase d’algues en décomposition ; décès de trente-six sangliers, deux ragondins et un blaireau sur la seule période de l’été 2011).
Un contentieux déjà mobilisé sur le plan administratif
Plusieurs actions devant le juge administratif ont permis de reconnaître la responsabilité de l’Etat. On peut ainsi citer la décision du Tribunal administratif de Rennes du 18 juillet 2023, qui reconnaissait la carence fautive de l’Etat et qui enjoignait au Préfet de prévoir des mesures visant à permettre une réduction effective du phénomène d’eutrophisation selon les préconisations scientifiques. Dans une autre affaire jugée le 13 mars 2025, le même tribunal reconnaissait l’insuffisance des mesures prises par le Préfet de la région Bretagne pour lutter contre les échouages d’algues vertes sur le littoral. La Cour administrative d’appel de Nantes reconnaissait quant à elle en juin 2025 la responsabilité pour faute de l’Etat, concernant la mort de Jean-René AUFFRAY, en raison des carences constatées dans la mise en œuvre de la réglementation européenne et nationale destinée à protégée les eaux de toute pollution d’origine agricole.
L’usage du seul contentieux administratif n’est cependant pas suffisant, et les responsabilités pénales des auteurs, complices par action ou omission, doivent être recherchées afin d’espérer faire changer le traitement du phénomène des algues vertes. C’est dans ce contexte que s’inscrit la plainte pénale déposée auprès du Procureur de la République du Tribunal judiciaire de Brest.
L’objet de la plainte pénale déposée
En 2024 et 2025, plusieurs sangliers étaient retrouvés morts dans la baie de Saint-Brieuc. Des algues vertes en décomposition étaient retrouvées à différents endroits de l’estuaire de Gouessant et la présence d’hydrogène sulfuré était relevée à l’aide d’un détecteur. Un huissier a également pu constater l’absence totale de vie sur la plage de Saint-Maurice, à Morieux : plus aucun coquillage, plus aucun oiseau ne sont perceptibles. Malgré des demandes en ce sens, la Préfecture n’a pas donné suite à la demande de communication du résultat des autopsies des sangliers retrouvés morts à Hillion en octobre 2024 et avril 2025.
La plainte vise plusieurs infractions : le délit de pollution des eaux concernant les rejets massifs de substances toxiques dans la baie et le délit de pollution des milieux face à l’absence ou l’inefficacité des contrôles des pratiques agricoles. Par ailleurs, le délit d’atteinte à la santé ou à la sécurité des personnes et à l’environnement ainsi que le délit d’atteinte et de destruction des habitats et espèces protégés sont visés, tout comme le délit de mise en danger délibérée de la vie d’autrui. Enfin, le délit de faux est également envisagé dans la plainte, en ce qui concerne la dissimulation volontaire du phénomène des algues vertes dans le documents d’objectifs du site de la baie de Saint-Brieuc, ce qui empêche une évaluation environnementale sincère et une action des pouvoirs publics transparente.
La plainte a également pour objet de demander des investigations complémentaires telles qu’une évaluation de l’état de la faune actuelle, une cartographie des exploitations agricoles et une audition des exploitants agricoles et des responsables sur le plan administratif, notamment. Ces éléments apparaissent nécessaires à l’établissement de la chaîne des responsabilités.
La plainte concernée devra être examinée par le Procureur de la République qui pourra décider d’ouvrir une instruction ou de la classer sans suite. En cas de classement sans suite, une nouvelle plainte avec constitution de partie civile sera déposée, ce qui impliquera l’ouverture d’une information judiciaire. La plainte est ouverte aux éventuels autres plaignants, qui peuvent contacter Me Louise DUMONT SAINT PRIEST à cet effet.
Retrouvez également l’intervention de Me Louise DUMONT SAINT PRIEST pour Ouest France ici.